Témoignages issus des A.T.E


Témoignage ateliers thérapeutiques d’Escrime. 4/09/2025- Claire
Sortir du déni. Ce cycle d’ateliers m’a permis de prendre conscience de l’état d’épuisement dans lequel j’étais. De cette lutte permanente pour me maintenir la tête hors de l’eau, sans jamais y parvenir vraiment. Burn out à répétition. Douleurs digestives chroniques. Anxiété. Dépression.
Trouver la source de ces maux, y plonger pleinement pour réussir à respirer vraiment, et remonter doucement vers la surface. Décrypter ce qu’il se passe dans nos corps, se libérer et surtout trouver les ressources pour s’apaiser.
J’ai toujours minimisé les agressions et l’inceste que j’ai subi. Se retrouver avec 10 autres femmes, sans exposer nos parcours mais en sachant que nous avons toutes traversé l’enfer. Que nous luttons de la même façon. C’est d’abord se sentir moins seule et comprendre la gravité de ce que l’on a subi. Se sentir moins folle. Vivre la sororité. Accepter de partager les failles qui empêchent notre quotidien, et petit à petit reprendre le pouvoir.
Ces 10 ateliers sont un voyage intérieur. Accepter d’aller au plus sombre de son histoire, pour pouvoir écrire une nouvelle page, tout en étant guidée.
J’y suis allée sans trop réfléchir. J’avais conscience que la toile de fond de ma difficulté à vivre était liée aux agressions et à l’inceste, sans imaginer leurs impacts dans mon quotidien.
Premier atelier : je me demande ce que je fous là. Je retrouve cette sensation d’imposture. L’impression de prendre la place de quelqu’un : ce que j’ai vécu n’est pas si grave, je vais bien (alors même que je glisse doucement mais surement, une fois de plus, vers l’épuisement). Je me sens fébrile en poussant la porte de ce gymnase. J’ai du mal à entrer en contact. Elles savent pourquoi je suis là. Je suis comme une enfant intimidée, apeurée. Très loin de celle qui assure au travail ! Cette sensation de dualité et d’imposture est si forte qu’elle m’épuise : paraitre forte maitresse de mes émotions, solide, alors qu’à l’intérieur je vole en milles éclats, je me désintègre, je me noie. Je sais que dans cet espace je peux être l’autre face de moi-même, la petite fille effrayée, terriblement seule, vide. C’est justement cela que je vais apprendre dans ces ateliers : me réunifier, trouver qui je suis et me réapproprier ma force intérieure. Cesser de me dissocier, ressentir, et accepter ce qui se passe au fond de moi.
J’ai toujours détesté les sports collectifs, l’impression de ne pas être à ma place, de ne pas la trouver. Je me suis toujours tenue à bonne distance des sports de combat, familière de ce figement quand on m’attaque, quand on m’agresse, incapable de me défendre ou de fuir. Et pourtant je suis là. Je me rends compte au fil des premières séances à quel point je ne tiens pas debout, je me dissocie, bringuebalée entre passé traumatique et présent, entre rage et tristesse infinie. L’escrime va me permettre de regarder cet état et d’en sortir, mes sœurs d’arme et l’équipe thérapeutique m’apporteront la force nécessaire pour y parvenir, pour me libérer mon énergie meurtrière, de ma colère. Je trouve ici, un cadre bienveillant, empathique, des guides pour explorer le plus glauque de ma vie. Et enfin poser un regard doux sur moi, sur la petite fille que j’ai été.
Au fil des séances, je prends ma place. Dans mon corps, dans les combats, dans le groupe. Au fil des séances je prends conscience de l’inceste que j’ai vécu et ses effets dévastateurs. Je me libère d’une grande partie de ma colère à travers des combats acharnés (merci à toute l’équipe pour leur accompagnement et leur présence qui permet l’émergence de cette énergie), et retrouve une certaine sérénité. La force intérieure, mes points d’ancrage, et ma petite fille intérieure. Celle que je ne parvenais pas à voir, à consoler, à libérer. La rage au dehors, libère l’espace pour se reconstruire. Alors je parle. Je parle aux femmes de ma famille qui sont, sans surprise, dans le déni. Alors j’avance, poussée par le besoin impérieux qu’on reconnaisse ma souffrance. Ne plus laisser cette petite fille seule, plus jamais. Être là pour elle, toujours. La justice sera ma voix pour faire reconnaitre la gravité de ce que j’ai vécu.
J’avance avec la force du groupe, à travers l’escrime j’apprends à me protéger, à être ancrée et stable, sortir de la peur et du figement. A trouver mes ressources, à ressentir ce qu’il se passe dans mon corps. Au fil des séances, la joie revient, le plaisir aussi dans le combat. Je ne subis plus.
Au fil des séances, nous nous découvrons, et nous partageons nos réalités quotidiennes. Une force qui m’accompagne, même hors de ces ateliers dans mon parcours. Je ne suis plus seule, me voir à travers les autres et être vue dans l’entièreté de ce que je suis, de ce que je traverse. Être crue simplement. Ces femmes sont là, comme moi, pour elles d’abord, et pour nous. C’est comme un fil ténu qui nous relient les unes aux autres, faisant fi de nos différences.
Je choisis de danser pour évacuer. Consciente qu’il m’est nécessaire de continuer à me libérer, à faire sortir encore tout ce dégueulasse qui colle, cette tristesse qui anéantie. Danser, écrire, dessiner, peindre, marcher.
Et finalement j’accepte. J’accepte de m’apporter de la douceur. J’accepte le temps long de la réparation. On ne se remet pas d’avoir traversée l’enfer, enfant, et d’y survivre depuis plus de 30 ans, en quelques mois…Ces 10 séances sont le début de ma reconstruction. Elles m’ont ouvert les yeux : sur les conséquences de l’indicibles, sur ma force intérieure, sur mes ressources, sur la sororité. Je continue à reconstruire, consciente du chemin qu’il reste à parcourir, forte de tout ce que cette année m’a apportée. Reconnaissante éternellement.
Claire